Malgré les objectifs assez clairs de la politique commerciale commune de l’Uemoa en matière d'échanges de produits agricoles entre les États membres, des situations d’incohérence et des pratiques anormales sont à déplorer.
L'oignon est l'un des produits agricoles dont la commercialisation fait l'objet d'entraves au sein de l'Uemoa. |
Réarmement avec taxation des produits d’originaires de l’Uemoa comme produits tiers, non reconnaissance des certificats d’origine, contingentement voire prohibition, fixation de normes trop contraignantes, interdictions diverses liées notamment à la nature du produit ou au mode de transport… Ce sont là quelques-unes des banderilles dans l’arsenal de mesures auxquelles ont recouru, des Etats membres de l’Union économique et monétaire Ouest africaine (Uemoa) pour ériger des filets de protection, qui légalement n’ont plus droit d’être, autour de leurs économies. Certes, dans le registre, le Sénégal s’en tire avec la palme d’or. De l’imposition d’une surtaxe sur l’oignon, la banane et la pomme de terre, à l’interdiction d’entrée sur son marché de l’huile de palme raffinée «fabriquée en Côte d’Ivoire », en passant par l’institution de nouvelles normes sur l’huile de palme, l’application de valeurs minimales non conventionnelles, l’instauration d’une régulation du commerce de l’oignon… le pays de "la Térenga" n’a pas été en panne d’initiative sur le front de l’érection d’entraves, tarifaires ou non, aux échanges intra-communautaires.
Palme d’or des entraves au Sénégal, mais à chaque État ses manquements
Mais, à ce petit jeu de "manquements volontaires" aux dispositions règlementaires communautaires, chacun des huit États membres de l’Union y est allé, au cours des dix dernières années, de sa griffe. Quand ce n’est pas le Mali qui dénie aux « eaux minérales Awa » produites en Côte d’Ivoire, la qualité de « produits de cru » ou, applique une taxe conjoncturelle à l’importation (TCI) de 55% sur le sucre alors que le taux Uemoa est de 10% ; c’est le Bénin qui interdit temporairement l’importation, par voie terrestre, d’huiles alimentaires, quelle que soit l’origine. Ou encore, c’est le Burkina Faso qui élève des restrictions sur l’exportation des céréales locales ; sinon le Niger qui impose aux entreprises nationales importatrices de farine de blé d’origine communautaire l’achat d’un pourcentage minimum de la production locale. Ou encore, c’est tout simplement tous les États ensembles qui instaurent, chacun, diverses sortes de redevances visant principalement à obérer la compétitivité de certains produits communautaires. Les pouvoirs publics ne sont pas les seuls à se montrer "indisciplinés". Les entreprises elles aussi cèdent à la tentation « de pratiques peu amènes ». « Minoration des quantités importées déclarées, minoration de la valeur CAF, changement de la nature du produit » sont le plus souvent les écarts de comportement qu’elles s’autorisent, relève t-on du côté de la Commission de l’Uemoa.
M. Baba Dioum de la CMA/AOC. |
Fin des compensations financières, printemps des entraves
M. Seyni Hamadou de la Commission de l'Uemoa. |
La belle construction avait alors fonctionné, sans grands problèmes, jusqu’en 2006, avant de commencer à souffrir des écarts de comportement des Etats parties, dès lors que « le dispositif de compensation financières des moins de recettes douanières découlant de l’institution de la zone de libre-échange est arrivé à son terme en 2005 » note Seyni Hamadou, chargé de l’Agriculture au Département du développement de ressources naturelles et de l’environnement (DDRE) à la Commission de l’Uemoa. Les entraves aux échanges intra-communautaires sont alors devenues monnaie courante. « Structurelles et multiformes » dira Seyni Hamadou. Qui pour autant, reste convaincu que « des actions à la base, c’est-à-dire, au niveau des États membres pour le respect de leurs engagements, au niveau des acteurs publics et privés pour des comportements responsables et au niveau de la Commission de l’Uemoa en termes de capacité de suivi-évaluation de la bonne mise en œuvre des politiques commerciales, aideraient à lever ces goulots d’étranglement des progrès socioéconomiques de notre région ».
Louis S. Amédé
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