importante source d’approvisionnement de la Côte d’Ivoire en protéines d’origine animale, le secteur avicole moderne ivoirien devra s’apprêter à connaître encore des périodes difficiles si, venait à être confirmée, l’option du gouvernement de rouvrir les vannes de l’importation de viandes de volaille congelées.
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"La filière avicole ivoirienne est devenue un secteur économique avec une valeur ajoutée de près de 72,224 millions d'euros" reconnaît le ministre des ressources animales et halieutiques de la Côte d'Ivoire. |
Les couloirs du conseil de gouvernement tenu mardi et mercredi derniers, bruissent d’une mesure qui fait frémir l’ensemble de la filière avicole ivoirienne. Si on en croit, une source ayant participé à ces sessions traditionnelles préparatoires des Conseils des ministres que préside le chef de l’Etat, une communication du ministre des ressources animales et halieutiques, -cosignée avec les ministres du commerce et de l’économie et des finances-, a requis de ramener de 1 000 FCFA/Kg actuellement à 400 F CFA/Kg, soit une baisse de 60%, le montant du prélèvement compensatoire institué par la loi des finances 2005 et prorogée jusqu’en 2020 sur les importations hors Cedeao, de volaille morte de basse-cour et leurs abats comestibles frais, réfrigérés ou congelés à partir de 2005 pour protéger les producteurs nationaux et régionaux. Cette perspective n’en fini pas de troubler fortement l’Interprofession avicole ivoirienne (Ipravi).
« Cette mesure est annonciatrice d’un cauchemar pour nous » fulmine Traoré Djakaridja, un producteur. Il en veut pour preuve qu’avant que le gouvernement ne relève en 2005 le montant de « cette taxe», le marché nationale était dominé par « les importations d’Occident très bon marché, -qui entre 2002 et 2005 atteignaient des volumes inédits de 15 000 tonnes par an-, plombant complètement nos efforts pour développer une vraie capacité nationale ». Au directoire de l’Ipravi, on dit « ne rien comprendre à cette option du gouvernement de rouvrir les vannes de l’importation ». Et pour cause, la filière avicole ivoirienne est la seule filière de production animale du pays à avoir atteint une relative autosuffisance. Selon la direction de la planification et des programmes (DPP) du ministère des ressources animales et halieutiques, « la production nationale de volaille couvre plus de 96% de la consommation nationale depuis 2009 ».
La viande de volaille, bien de luxe ?
Au cabinet du ministre ivoirien des ressources animales et halieutiques, on préfère « relativiser ces statistiques ». « La réalité du terrain, montre que la viande volaille est devenue un bien de luxe et que l’industrie nationale, au sens large, n’est pas capable de satisfaire avec ses 26 000 tonnes de production annuelle, la demande nationale qui est aujourd’hui de 40 000 tonnes » y argumente-t-on. Justifiant que « l’importation est plus que nécessaire pour combler le gap et satisfaire le souci de sécurité alimentaire du gouvernement ». « Réalité de terrain pour réalité de terrain, le poulet braisé se vend et se consomme à tous les coins de rue en Côte d’Ivoire. C’est même devenu une nourriture si populaire que la renommé du poulet braisé de Côte d’Ivoire précède le pays à l’extérieur. Serait-ce cela qui en fait un produit qu’on dit de luxe ? » s’interroge avec un brin de sarcasme Dédougou Karim, producteur de poids dans la zone de Bingerville. S’il est vrai que la Côte d’Ivoire continue de dépendre des importations pour plus de 50% de ses besoins en viandes et abats, le secteur avicole moderne est la plus importante source d’approvisionnement du pays en protéines animales. Et les productions avicoles y constituent, selon la FAO, « un maillon essentiel du système de production animale ».
L’aviculture est exercée par plus de 1 500 éleveurs exploitants individuels que complète plus d’une douzaine de sociétés agro-industrielles. Le secteur offre, en Côte d’Ivoire, plus de 30 000 emplois directs et indirects et constitue un débouché important pour les produits agricoles, les sous produits agroindustriels et de la pêche dont il consomme en moyenne, 200 000 tonnes (dont 100 000 tonnes pour le seul maïs) par an. Comme le reconnaît le ministre ivoirien des ressources animales et halieutiques, Kobenan Kouassi Adjoumani, lui-même, « l’aviculture ivoirienne est devenue un secteur économique avec une valeur ajoutée de près de 50 milliards de F CFA ». Pour autant, il n’appréhende pas son développement sans les importations massives de viandes de volailles d’origine extra-africaine.
« En plus de n’induire aucune valeur ajoutée, cette politique fait peser de sérieux périls sur la survie et la vitalité de la filière » s’insurge un conseiller du premier ministre Soro Guillaume. Pour autant elle semble être la ligne d’action du ministre, qui aurait donc réussi à la faire endosser par le Conseil de gouvernement. Titulaire du même fauteuil ministériel, entre 2002 et 2005, ce dernier avait déjà appliqué sans concession cette politique avec pour résultat en 2004 « une chute de plus de 30% de la production nationale à 7 500 tonnes et l’accroissement constant des importations qui plafonnaient à 15 000 tonnes ». Alors que la ligne directrice de l’action gouvernementale est l’élévation de la Côte d’Ivoire au rang d’économie émergente en 2020, cette perspective tend à brouiller quelque peu la lisibilité de l’action gouvernementale dans le domaine de l’aviculture. Nourrissant l’inquiétude dont est prise la filière avicole ivoirienne qui regarde du côté du Président Ouattara, espérant de lui, un signe beaucoup plus clair.
Louis S. Amédé
Tableau récapitulatif production-importation-consommation de viandes en 2009
Espèces | Production nationale (en TEC : Tonnes Equivalent Carcasse) | Importations (en Tonnes) | Couverture par espèces (en pourcentage) |
Bovins | 31 148 | 52 459 | 37% |
Petits ruminants | 12 836 | 10 271 | 56% |
Porc | 8 316 | 23 786 | 26% |
Volailles | 26 237 | 599 | 98% |
TOTAL |
78 536 |
87 115 |
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Source : Direction de la Planification & des Programmes (DPP)- MRAH