vendredi 28 octobre 2011

Chronique: Agriculture secteur refuge

Et si l’agriculture était, actuellement, le meilleur refuge pour les investisseurs ? La terre ne trompe pas aimait à dire un sage africain. Par ces temps d’incertitudes économico-financières marqués, au plan international, par l’explosion en vol de la sûreté des titres de créances sur les Etats (obligations souveraines) de la zone Europe, les Etats-Unis et le Japon et, la fiabilité, désormais, sujette à caution des actifs de certains établissements bancaires et financiers européens et américains, l’idée ne manque pas d’intérêt.

Fonds monétaire international (FMI), Banque centrale européenne (BCE), Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced)… tous s’accordent à reconnaître, mutatis mutandis, que le monde est entré « dans une nouvelle phase dangereuse… et la reprise fragile en cours risque de faire long feu », comme l’a récemment soutenu la directrice générale du Fmi, Christine Lagarde.

Certes, récurrente est, sur les marchés de matières premières, la peur d’une bulle sur les produits agricoles. Et cette perspective n’est d’ailleurs pas à minimiser. Mais, il y a bien moins de risque, voire de danger, à investir, -par ces temps troubles où l’annonce de chaque nouvel indicateur des économies avancées est précédée d’un climat de tension et de fébrilité-, dans le secteur agricole.  Notamment en Afrique et dans les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine où, la création de la richesse est encore vive et les besoins en financement très importants. Que les investisseurs aient renforcé leurs paris sur les matières premières agricoles, les portant au plus haut depuis début mai, n’est pas le moindre des signes cet état de fait.
                                                               Louis S. Amédé
                                                               04 septembre 2011

Chronique: Acte de contrition à Dame Nature pour nos irrévérences

Les saisons ne connaissent plus. Il pleut quand il ne faut pas ou qu’il n’en faut quand il faut. Il fait chaud à contre saison. La prévisibilité saisonnière du temps variable certaine avant le début du 21ème siècle est depuis une décennie une variable aléatoire.  Jouer à cache-cache avec les découpages saisonniers traditionnels, déjouer les prévisions météorologiques, dame nature, sans doute fatiguée des excès de tout genre, à elle infligée par nous les Hommes, a décidé, de prendre sa revanche. Astucieusement d’ailleurs, en nous mettant en face de nos responsabilités sous la forme de changement climatique.

Nos irrévérences d’hier et d’aujourd’hui encore, à son égard au nom du développement, nous valent les inondations par ci, les sècheresses par là, les tsunamis et autres ouragan dévastateurs ailleurs. Et ironie du sort, au tableau des conséquences du changement climatique, pays riches et pays pauvres sont logés à la même enseigne. A chacun son lot de catastrophes, de drames humanitaires. Des destructions naturelles qui sont autant d’avertissements à l’ensemble de notre humanité et surtout des interpellations bruyantes sur notre responsabilité individuelle et collective quant à la préservation de la planète.

A Durban (Afrique du Sud), dans quelques jours, le monde entier se réunira autour du climat. Et le meilleur acte de contrition qui pu y être fait, par tous, et plus singulièrement les pays développés, est de s’accorder sur  l’avenir du Protocole de Kyoto pour après 2012 et conclure un accord légalement contraignant réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES) de ces derniers, à l’origine des changements climatiques.
                                                                                  Louis S. Amédé

Aviculture: La filière ivoirienne, sous la menace d’une relance des importations extra africaines

 importante source d’approvisionnement de la Côte d’Ivoire en protéines d’origine animale, le secteur avicole moderne ivoirien devra s’apprêter à connaître encore des périodes difficiles si, venait à être confirmée, l’option du gouvernement de rouvrir les vannes de l’importation de viandes de volaille congelées.
"La filière avicole ivoirienne est devenue un secteur économique avec une valeur ajoutée de près de 72,224 millions d'euros" reconnaît le ministre des ressources animales et halieutiques de la Côte d'Ivoire.

Les couloirs du conseil de gouvernement tenu mardi et mercredi derniers, bruissent d’une mesure qui fait  frémir l’ensemble de la filière avicole ivoirienne. Si on en croit, une source ayant participé à ces sessions traditionnelles préparatoires des Conseils des ministres que préside le chef de l’Etat, une communication du ministre des ressources animales et halieutiques, -cosignée avec les ministres du commerce et de l’économie et des finances-, a requis de ramener de 1 000 FCFA/Kg actuellement à 400 F CFA/Kg, soit une baisse de 60%, le montant du prélèvement compensatoire institué par la loi des finances 2005 et prorogée jusqu’en 2020 sur les importations hors Cedeao, de volaille morte de basse-cour et leurs abats comestibles frais, réfrigérés ou congelés à partir de 2005 pour protéger les producteurs nationaux et régionaux. Cette perspective n’en fini pas de troubler fortement l’Interprofession avicole ivoirienne (Ipravi).

« Cette mesure est annonciatrice d’un cauchemar pour nous » fulmine Traoré Djakaridja, un producteur. Il en veut pour preuve qu’avant que le gouvernement ne relève en 2005 le montant de « cette taxe», le marché nationale était dominé par « les importations d’Occident très bon marché, -qui entre 2002 et 2005 atteignaient des volumes inédits de 15 000 tonnes par an-, plombant complètement  nos efforts pour développer une vraie capacité nationale ». Au directoire de l’Ipravi, on dit « ne rien comprendre à cette option du gouvernement de rouvrir les vannes de l’importation ». Et pour cause, la filière avicole ivoirienne est la seule filière de production animale du pays à avoir atteint une relative autosuffisance. Selon la direction de la planification et des programmes (DPP) du ministère des ressources animales et halieutiques, « la production nationale de volaille couvre plus de 96% de la consommation nationale depuis 2009 ».

La viande de volaille, bien de luxe ?

Au cabinet du ministre ivoirien des ressources animales et halieutiques, on préfère « relativiser ces statistiques ». « La réalité du terrain, montre que la viande volaille est devenue un bien de luxe et que l’industrie nationale, au sens large, n’est pas capable de satisfaire avec ses 26 000 tonnes de production annuelle, la demande nationale qui est aujourd’hui de 40 000 tonnes » y argumente-t-on. Justifiant que « l’importation est plus que nécessaire pour combler le gap et satisfaire le souci de sécurité alimentaire du gouvernement ». « Réalité de terrain pour réalité de terrain, le poulet braisé se vend et se consomme à tous les coins de rue en Côte d’Ivoire. C’est même devenu une nourriture si populaire que la renommé du poulet braisé de Côte d’Ivoire précède le pays à l’extérieur. Serait-ce cela qui en fait un produit qu’on dit de luxe ? » s’interroge avec un brin de sarcasme Dédougou Karim, producteur de poids dans la zone de Bingerville. S’il est vrai que la Côte d’Ivoire continue de dépendre des importations pour plus de 50% de ses besoins en viandes et abats, le secteur avicole moderne est la plus importante source d’approvisionnement du pays en protéines animales. Et les productions avicoles y constituent, selon la FAO, « un maillon essentiel du système de production animale ».

L’aviculture est exercée par plus de 1 500 éleveurs exploitants individuels que complète plus d’une douzaine de sociétés agro-industrielles. Le secteur offre, en Côte d’Ivoire, plus de 30 000 emplois directs et indirects et constitue un débouché important pour les produits agricoles, les sous produits agroindustriels et de la pêche dont il consomme en moyenne, 200 000 tonnes (dont 100 000 tonnes pour le seul maïs) par an. Comme le reconnaît le ministre ivoirien des ressources animales et halieutiques, Kobenan Kouassi Adjoumani, lui-même, « l’aviculture ivoirienne est devenue un secteur économique avec une valeur ajoutée de près de 50 milliards de F CFA ».  Pour autant, il n’appréhende pas son développement sans les importations massives de viandes de volailles d’origine extra-africaine.

« En plus de n’induire aucune valeur ajoutée, cette politique fait peser de sérieux périls sur la survie et la vitalité de la filière » s’insurge un conseiller du premier ministre Soro Guillaume. Pour autant elle semble être la ligne d’action du ministre, qui aurait donc réussi à la faire endosser par le Conseil de gouvernement. Titulaire du même fauteuil ministériel, entre 2002 et 2005, ce dernier avait déjà appliqué sans concession cette politique avec pour résultat  en 2004 « une chute de plus de 30% de la production nationale à 7 500 tonnes et l’accroissement constant des importations  qui plafonnaient à 15 000 tonnes ».  Alors que la ligne directrice de l’action gouvernementale est l’élévation de la Côte d’Ivoire au rang d’économie émergente en 2020, cette perspective tend à brouiller quelque peu la lisibilité de l’action gouvernementale dans le domaine de l’aviculture. Nourrissant l’inquiétude dont est prise la filière avicole ivoirienne qui regarde du côté du Président Ouattara, espérant de lui, un signe beaucoup plus clair.
                                                                                                                                                                                                                                                                                 Louis S. Amédé


Tableau récapitulatif  production-importation-consommation de viandes en 2009
Espèces
Production nationale
(en TEC : Tonnes Equivalent Carcasse)
Importations
(en Tonnes)
Couverture par espèces
(en pourcentage)
Bovins
31 148
52 459
37%
Petits ruminants
12 836
10 271
56%
Porc
8 316
23 786
26%
Volailles
26 237
599
98%

TOTAL

78 536

87 115

Source : Direction de la Planification & des Programmes (DPP)- MRAH



vendredi 24 juin 2011

FMI: Une foultitude d’études… pas toujours utiles

L’Independent  evaluation office (IEO) a procédé récemment à un examen de la politique éditoriale du Fonds notamment sur les études effectuées entre 1999 et 2008 pour en évaluer l’utilité pratique. Il en conclut qu’il « est nécessaire de mieux hiérarchiser et coordonner les études » au sein de l’institution.


C’est autour de 650 études que publie chaque année le Fonds monétaire international (FMI). Ces publications analytiques, à la fois diverses et variées, absorbent près de 10% du budget de l’institution. Cet investissement est-il seulement efficace et bénéfique ? L’IEO s’est intéressé à la question sous les prismes de « l’utilité pratique et l’utilisation des études, de leur qualité technique et de la gestion de la recherche ».  Et ses conclusions peuvent être résumées en ces quelques mots : « utilité pratique limitée », « qualité technique très inégale » et forte inclinaison directive.

Utilité pratique limitée… qualité inégale

Portant sur les études effectuées par le Fonds entre 1999 et 2008, le rapport d’évaluation rendu public, il y a quelques jours, établit que, bien que les « études du FMI sont très consultées et appréciés (tant) par les autorités des pays (que) les chercheurs », celles-ci ne sont, pour autant, pas exemptes de reproches. Et le tout premier relevé par l’IEO est que leur « utilité pratique est souvent limitée ». Sont pointés du doigt le « défaut de consultation des autorités des pays sur les thèmes couverts et le défaut de connaissance suffisante des contextes nationaux et institutionnels ». Une autre faiblesse déplorée est « la très inégale qualité technique des études du Fonds ». L’IEO illustre cette conclusion par des exemples. Ainsi catégorise t-il les publications telle que les "Perspectives de l’économie mondiale"  et les "Rapport sur la stabilité financière dans le monde" de très bonne facture technique, d’une part. Et, d’autre part,  estampille les documents de travail (working papers), et les publications externes, « faible qualité technique ». « Pour améliorer la qualité, il convient de prévoir des ressources et des délais suffisants pour chaque projet d’étude, même si cela se traduit par une diminution du nombre de publications » préconise l’IEO.

Grande ouverture d’esprit, une des clés

Une des publications utiles
et de très grande qualité
Mais quel que soit leur niveau de qualité, les publications du Fonds pêchent, globalement, par une intonation plutôt directive qu’indicative. L’IEO déplore cet état de fait révélé par « les autorités de nombreux pays qui ont signalé que les études du FMI servaient à passer un message » et, confirmé par de nombreux fonctionnaires de l’institution qui lui ont confié qu’ils « se sentaient souvent obligés d’aligner leurs conclusions sur les opinions du Fonds ». Le but de l’exercice, -fréquemment conduit par l’IEO sur les interventions et les politiques du FMI-, étant ici d’améliorer la qualité et la réputation des études et en développer l’utilisation, l’organe d’évaluation appelle à ce que « les documents de travail reflètent les résultats des analyses techniques même si elles ne correspondent pas aux messages avancés dans les documents préparés lors des activités de surveillance ». Il prescrit au Fonds de « procéder périodiquement à des revues stratégiques de la fonction et de l’utilisation de ses produits afin d’établir s’ils devraient être renforcés, repensés ou abandonnés ». Lui recommandant fortement, au passage, que « la consultation des autorités sur les thèmes étudiés et l’examen des résultats » soit « une pratique standard ».

Les insuffisances relevées par le rapport de l’IEO sur la politique de recherche du Fonds, ont laissé poindre une nécessité « de mieux hiérarchiser et coordonner les études au sein du FMI ». L’IEO a, à cet effet, appelé la direction de l’institution à « désigner un Coordinateur des études (CE) qui sera chargé d’en coordonner les études, notamment en établissant des normes pour les revues de qualité et des règles de publication, de promouvoir une plus grande ouverture d’esprit et de s’attaquer aux points faibles identifiés dans la présente évaluation ».
                                                                                     Louis S. Amédé

jeudi 23 juin 2011

G 20 Agriculture: Sur le front de la régulation des marchés, rien de concret

Le rideau est tombé sur le G 20 agriculture tenu les 22 et 23 juin 2011 à Paris. Les ministres de l'Agriculture des vingt pays parties ont fini par s’accorder globalement sur le plan d'action en cinq points que leur a proposé la France avec pour pilier, la régulation des marchés pour contenir la volatilité de prix alimentaire.


Bruno Le Maire, ministre français de
l'Agriculture, heureux de l'issue du G20
Comme on pouvait s’y attendre, le G20 agriculture n’a rien pu faire de concret sur le front de la régulation des marchés financiers où les produits agricoles ou leurs dérivés sont traités. Le mieux que  les ministres de l’agriculture des 20 pays développés et en développement les plus industrialisés de la planète, ont pu faire aura été tout simplement de reconnaître la nécessité de réguler les marchés agricoles en luttant contre la spéculation. Pour l’organisation de cette régulation, ils ont tout simplement préféré refiler adroitement le dossier à leurs homologues ministres des finances qu’ils ont donc "fortement"  encouragé à prendre les décisions appropriées pour une meilleure régulation et supervision des marchés financiers agricoles, lors du  prochain G20 Ecofin d’automne. Pas d’évocation de la menace biocarburant, ni des obstacles divers aux échanges dont les subventions à l’exportation. Mais l’essentiel, au sens des uns et des autres, semble avoir été fait  avec le consensus obtenu sur les actions à dérouler pour « produire plus, accroître la transparence des stocks via une base de données et améliorer la coordination internationale pour prévenir et gérer les crises ».

Tour de force... historique

Les autorités françaises, le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire en tête ne sont pas les moins satisfaits de cette issue. A l’en croire c’est à un «tour de force » que vient de se livrer la Communauté internationale en parvenant à un « accord historique » sur le front de l’insécurité alimentaire. Ainsi selon lui, le plan d’action qui a recueilli le consensus des différentes parties prenantes est riche de mesures « concrètes, précises et ambitieuses » sur la volatilité de prix alimentaire et l'agriculture mondiale. Couvrant cinq domaines qui sont la production et la productivité agricoles, l'information et transparence des marchés, la coordination politique internationale, la réduction des effets de la volatilité des prix et la régulation financière, ce plan d’action serait ainsi « un vrai succès (qui jette) la base d'une nouvelle agriculture mondiale qui est durable, solidaire et dont le marché serait régulé », a estimé Bruno Le Maire.

Ainsi, les vingt pays qui pèsent plus de 85% de la production agricole mondiale, se sont engagés à dérouler, une gamme variée de mesures pour redynamiser la productivité de l'agriculture mondiale dont la croissance devrait augmenter au plan général de 70% d'ici 2050, et singulièrement d’environ 100% dans les pays en développement. Sur le front de la transparence des marchés agricoles, le principe a été arrêté de mettre en place, « le plus rapidement possible », une base de données internationale sur la production, la consommation ainsi que les stocks des matières premières agricoles. En vue d’améliorer la coordination internationale dans le domaine agricole, il sera installé dans les locaux de la FAO, un mécanisme de réaction rapide regroupant des représentants du G20. Tout décision en cas de crise, -soit la chute de production dans un Etat membre, soit dans l'un des grands Etats producteurs agricoles-, seront prises dans le cadre de ce mécanisme. Afin de réduire les effets de la volatilité des prix des produits agricoles, notamment sur les pays en développement, toutes restrictions à l’exportation pour l’aide alimentaire mondiale, sont supprimées.

Importantes, les différentes mesures retenues à Paris, le sont assurément.  Mais pour qu’elles contribuent à endiguer la flambée actuelle des prix des denrées alimentaires, il faudrait qu’elles soient traduites en actes. Et c’est désormais là où est attendu le G20.
                                                                                          
                                                                                Louis S. Amédé

"Produire à juste prix" Vs "Produire plus et mieux"

Analyse

La folie haussière qui s’est pris des marchés de matières premières a de beaux jours devant elle.  Le dernier G20 sur l’agriculture n’y a pas pu pas grand-chose, sinon rien ! Faudra s’y faire : le niveau élevé des prix des denrées alimentaires et la volatilité des marchés qui l’alimente sont des tendances lourdes et profondes. Au moins jusqu’en 2020, rien ne risque de les infléchir substantiellement, selon le dernier rapport sur les « Perspectives agricoles 2011-2020 » coproduit par l’OCDE et la FAO. La hausse de la demande mondiale de denrées alimentaires pour la consommation humaine et animale, l’accroissement continu et rapide de la demande de matières premières pour la production de biocarburants, le fléchissement de la productivité agricole mondiale qui,  en sont les sèves vivifiantes, ne sont donc pas prêts de s’estomper.  Triste réalité : revoilà donc planant, à nouveau sur la planète, le péril de la faim.  


Réguler les marchés, est-ce l'urgence du moment?

Il y a de quoi craindre pour la stabilité économique et la sécurité alimentaire notamment dans les pays en développement. Le package de cinq mesures que propose la France avec pour pilier, la régulation des marchés, pour préserver le monde contre ces dangers, ne suscite qu’une adhésion partielle et parcellaire. La trop forte tendance politique nouvelle française à saupoudrer toute initiative internationale d’une dose de mesures potentiellement spectaculaires médiatiquement, a fait oublier à Paris, le très mince succès de la précédente tentative dont il était l’inspirateur, d’encadrer, à juste titre, les excès de la finance mondiale. Elle lui a fait perdre de vu à l’hexagone, que sa nouvelle croisade pour réguler les dérives spéculatives sur le front agricole, ne pouvait connaître meilleur sort.

La théorie du « produire à juste prix » qui structure la proposition de solution française est contrebalancée fortement par la thèse du « produire plus et mieux » plus adaptée à la situation actuelle. En effet, les idées d’investissement prioritaire dans l’agriculture et de raisonnement du biocarburant mania générale qui, transpirent de cette seconde posture, paraissent plus propices pour la circonstance. Jacques Diouf, directeur général de la la FAO, n’en pense pas moins qui, avait prévenu, quelques jours plus tôt, que face à l’actuelle instabilité des prix qui pourrait demeurer une constante des marchés agricoles, « la véritable solution, c’est la stimulation des investissements dans l’agriculture et le développement rural des pays en développement ».

Les prix élevés ont aussi du bon

Les prix élevés ne sont pas dénués, tout compte bien fait, d’avantages. Ils pourraient bien stimuler les investissements publics et privés dans l’agriculture. Qui, inscrits dans un cadre plus global de politiques cohérentes visant à la fois à réduire et à limiter les incidences négatives de la flambée des prix seraient potentiellement plus efficaces qu’une hypothétique régulation des marchés financiers.
                                                                         Louis S. Amédé

mardi 14 juin 2011

Insécurité alimentaire Vs insécurité nutritionnelle

Les déficits de la production alimentaire sont largement responsables des carences alimentaires des populations pauvres des zones rurales. C'est en Afrique que la situation est la plus critique, car les revenus de quelque 70 % de la population dépendent directement de l’agriculture.


Depuis la crise des prix des denrées alimentaires de 2008, la question alimentaire, -et avec elle l’agriculture-, a retrouvé une place au cœur des thématiques d’intérêt prioritaire pour les décideurs de la planète. Et le vent d’insécurité que charrie la flambée actuelle des cours de matières premières agricoles accentue cette tendance. Et pourtant, en matière d’alimentation, l’insécurité alimentaire cache une autre insécurité, celle-là, nutritionnelle est d’ailleurs encore plus pernicieuse : la malnutrition ou sous-nutrition.

Souvent surnommée « famine cachée », cette situation découle de facteurs de déséquilibre entre l’offre et la demande, qui ont pour nom : insécurité alimentaire des ménages, insuffisance des soins apportés aux femmes et aux enfants, environnements insalubres, notamment au niveau sanitaire et hygiénique,  manque de services de santé. Elle affecte la santé d’un milliard de personnes.

1 milliard d’affamés principalement en Afrique et en Asie

Dans son « Review of Nutrition Policies » paru en décembre 2010, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait tiré la sonnette d’alarme indiquant que « une (1) personne sur trois (3) meurt ou est handicapée à cause d’une mauvaise nutrition et des carences caloriques ». En effet, le nombre de personnes souffrant de la faim est passé de 842 millions en 1990-1992 à 873 millions en 2004-2006 et à 1,02 milliard en 2009, le niveau le plus élevé jamais enregistré. Celui-ci a ensuite légèrement faibli pour revenir à 925 millions en 2010. La même année, 115 millions d'enfants dans le monde étaient en insuffisance pondérale et 186 millions d'enfants de moins de cinq ans souffraient d’un retard de croissance. La sous-nutrition chronique affecte un enfant sur trois dans les pays en développement. Chaque année, elle cause la mort de plus de trois millions d'enfants et de plus de 100 000 mères. Palmarès, pour le moins déconcertant, dont l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud sont les terrains principaux. Malheureusement !

Pour corriger cette situation inquiétante, des études récentes, notamment de l’IFPRI, recommandent que « l'amélioration du statut nutritionnel fasse partie des objectifs des interventions agricoles ; les objectifs de nutrition soient pleinement intégrés aux projets et aux politiques agricoles afin d’avoir un impact positif sur la nutrition. Et l’éducation nutritionnelle soit également intégrée aux programmes agricoles ». Ces propositions seront au cœur du briefing qu’organisent à Bruxelles, ce mercredi 15 juin 2011, le CTA, la DG DEVCO de la Commission européenne, le Secrétariat ACP, Concord et plusieurs médias avec l’IFPRI sur les principaux enjeux nutritionnels dans les pays ACP et sur le rôle de l’agriculture dans la sécurité nutritionnelle.

                                                                                          Louis S. Amédé

mardi 7 juin 2011

Contre la flambée des prix des produits de base: Rectifier le déséquilibre de l’investissement public dans l’agriculture sinon, c’est la faim



Déjà mal engagé pour 2015, l’Objectif du millénaire pour le développement (OMD) de réduction de la faim, risque de ne jamais être atteint si « un nouvel avenir » n’est pas construit pour l’agriculture, selon Oxfam.



Le prix du blé n'en fini pas de grimper conduisant à une suspension de son 
exportation par l'Inde.

Le système alimentaire mondial est bien mal en point. Ses bases sont passablement minées par la conjugaison des effets de la flambée des prix des denrées alimentaires, du détournement de certains produits de base à des fins de production de biocarburants et du fléchissement de la croissance de la production et de la productivité agricole. Il fleure déjà bon la crise alimentaire et si rien n’est fait, une catastrophe alimentaire et écologique sera difficile à éviter. Surtout que d’ici à 2050, la planète va compter 9 milliards d’âmes avec, pour corollaire, une augmentation de la demande alimentaire de 70% qu’il faudra bien satisfaire. Et peu importe que les rendements agricoles s’amenuisent, que les ressources en eau se raréfient et que se durcisse la concurrence sur les terres. Vous avez dis défis ?

L’agriculture, un sésame…

Pour relever celui d’éviter à la planète le scénario catastrophe, l’agriculture est une des clés. Et non des moindres ! A condition, toutefois, de procéder à « des réformes complètes des politiques nationales et mondiales » en rapport avec le secteur. Depuis plusieurs années déjà,  un large consensus se dégage, pour affirmer, comme le déclarait en septembre dernier, à Bruxelles, Luca Chinotti, conseiller politique à Oxfam, que « le manque d’investissement dans l’agriculture et la sécurité alimentaire par les gouvernements nationaux et les donateurs est l’une des causes structurelles de la faim ». Un indicateur de cet état de fait est que « entre 1983 et 2006, la part de l’agriculture dans l’aide publique au développement (APD) est passée de 20,4% à 3,7% alors que l’appui des pays riches, dans leurs propres secteurs agricoles, excède les 250 milliards de dollars correspondant à environ 80 fois l’aide au secteur agricole ». Aussi louable que puisse être l’initiative d’Aquila pour la sécurité alimentaire, les 4 milliards de dollars d’engagements nouveaux qu’il prévoit sont donc comme une goutte d’eau dans la mer financière des besoins du secteur agricole mondial. D’où, tout l’intérêt de la proposition de l’Ong internationale Oxfam de « bâtir un nouvel avenir pour l’agriculture ».

… A condition de réformes en faveur des petites exploitations

Le riz, une des céréales les plus consommées
au monde
Cette perspective impose de rectifier l’important déséquilibre de l’investissement public dans l’agriculture. Et en la matière, Oxfam, un brin provocateur, appelle dans le cadre de sa campagne « Cultivons » à « réaffecter les milliards actuellement dépensés dans les exploitations industrielles non durables des pays riches, pour répondre aux besoins des petits producteurs des pays en développement ». « C’est bien là que les meilleurs résultats en termes de productivité, d’intensification durable, de réduction de la pauvreté et de résilience peuvent être obtenus », justifie t-elle. Ainsi donc, les pays donateurs et les organisations internationales devront plutôt continuer d’augmenter la part des dépenses agricoles dans l’APD et  d’investir dans l’adaptation des pratiques agricoles. La menace de disparition que fait planer sur les petites exploitations agricoles la course à la terre et aux réserves d’eau dans laquelle sont engagés de riches et puissants intérêts financiers, notamment en Afrique, impose de réglementer l’investissement foncier afin de garantir les retombées sociales et environnementales positives. Les Etats (et leurs partenaires au développement) sont mis devant leurs responsabilités de soutenir ouvertement les petites exploitations agricoles tout en régulant, soigneusement, les investissements privés sur les terres et l’eau pour en garantir l’accès aux populations et d’intervenir pour développer et orienter la Recherche & Développement en faveur des technologies appropriées.

Les voies à emprunter pour « la création d’un avenir durable où personne n’aura faim », -donc la réalisation de l’OMD de réduire substantiellement la faim dans le monde-, sont connues. Les organisations internationales et les Etats sont-ils déterminés à s’y engager ? Là réside tout le problème. Malheureusement!
                                                                                  Louis S. Amédé 

dimanche 5 juin 2011

Produits de base: La flambée des prix est alimentée par les capitaux spéculatifs

Dans une étude rendue publique ce 5 juin 2011, la Cnuced note que la détermination des prix sur les marchés des produits de base obéit de plus en plus à la logique des placements financiers plutôt qu’aux fondamentaux du marché. 

Le marché des produits de base baigne dans une bulle spéculative. Pour la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (Cnuced), cela ne fait l’ombre d’aucun doute, les capitaux spéculatifs sont pour beaucoup dans la flambée actuelle des prix des denrées alimentaires. Dans sa dernière étude intitulée « Price formation in financialized commodity markets : The role of information », l’organisation spécialisée des Nations Unies établit que « l’anticipation par les marchés financiers d’une relance économique mondiale a contribué de manière disproportionnée à l’actuelle flambée des prix des produits de produits de base ». Elle y souligne à quel point les investisseurs financiers sur les marchés des produits de base s’appuient sur peu d’éléments d’information (mais connus de tous), ou sur des modèles mathématiques plutôt que sur les réalités physiques de l’offre et de la demande.

Panurgisme intentionnel

En effet, les données empiriques de l’étude, confirmées par les témoignages d‘acteurs sur ces marchés, attestent de la financiarisation − qui se traduit par une augmentation des investissements réalisés dans des produits dérivés de matières premières. Cette situation nouvelle « favorise des comportements grégaires » note le rapport. Et d’expliquer que « les opérateurs se comportent  de plus en plus en fonction des décisions prises par d’autres intervenants sur le marché. Et ce "panurgisme intentionnel" est motivé d’une part par les incertitudes liées au manque de transparence qui règne sur ces marchés et d’autre part, par l’impact de l’évolution des indices boursiers sur les prix des produits de base ». Il peut donc être rationnel pour des acteurs du marché d’imiter les prises de position d’autres opérateurs ou simplement de suivre la tendance en fondant leurs décisions sur une interprétation de l’évolution historique des prix. La financiarisation des marchés de produits de base a introduit de nouvelles forces influençant les prix.

Plus de transparence

Ainsi, la détermination des prix sur les marchés des produits de base obéit de plus en plus à la logique des placements financiers plutôt qu’aux fondamentaux du marché. « Ces comportements, comme le déplore la Cnuced, peuvent nuire à l’économie réelle, là où les prix des biens comme les denrées alimentaires influent sur la santé et le bien-être, en particulier dans les pays les moins avancés ». Contre les travers de cette financiarisation, elle recommande diverses dispositions : « des mesure pour permettre une plus grande transparence dans le commerce des produits de base; une réglementation internationalement coordonnée des échanges de produits de base et une intervention directe des autorités de marché pour faire éclater la bulle spéculative ». Compte tenu du rôle vital que joue l’information dans l’évolution des prix des produits de base, la CNUCED insiste sur la nécessité d’améliorer le fonctionnement du marché. Et préconise de « renforcer la transparence sur les marchés de produits physiques, d’améliorer tant les flux d’information sur les échanges de produits de base que l’accès à ces flux, resserrer la réglementation des acteurs financiers et mettre en place des mesures directes de stabilisation des cours des produits de base ».
                                                                                       Louis S. Amédé


Mesures pour endiguer les effets néfastes de la financiarisation

L’intervention des investisseurs financiers entraîne à court terme d’importantes distorsions de prix sur les marchés de produits aussi essentiels que les denrées alimentaires.  Dans son rapport, la Cnuced souligne le rôle croissant sur le marché de ces investisseurs qui, grâce à leur puissance financière, peuvent modifier les prix à court terme. Une situation qui accentue l’instabilité et  peut nuire aux marchés. Contre ces effets néfastes de la financiarisation, les auteurs du rapport intitulé « Price formation in financialized commodity markets : The role of information » proposent
des mesures consistant, entre autres, à:

                Renforcer la transparence sur les marchés de produits physiques afin de réduire les incertitudes, en améliorant la qualité et la véracité des données, particulièrement celles relatives aux inventaires. Cette mesure permettrait aux acteurs de mieux apprécier les rapports fondamentaux actuels et futurs entre l’offre et la demande de produits de base;

                Améliorer tant les flux d’information sur les échanges de produits de base que l’accès à ces flux, spécialement concernant les prises de position des différents opérateurs sur les marchés de produits dérivés. En particulier, des mesures visant à ce que les obligations en matière d’information sur les transactions boursières existant en Europe soient comparables à celles en vigueur aux États-Unis, devraient considérablement améliorer la transparence des transactions et décourager le «nomadisme réglementaire»;

                Resserrer la réglementation des acteurs financiers, par exemple en plafonnant le volume des positions pour limiter l’impact des investisseurs financiers sur les marchés des produits de base, tout en interdisant les transactions pour compte propre aux institutions financières qui effectuent des opérations de couverture au bénéfice de leurs clients, pour cause de conflit d’intérêts. Il faudra à cet effet trouver le juste milieu entre un plafonnement excessif du volume des positions spéculatives et un laxisme tout aussi excessif, y compris en matière de surveillance;

                Mettre en place des mesures directes de stabilisation des cours des produits de base, consistant, par exemple, pour les autorités de tutelle des marchés, à intervenir ponctuellement pour faire éclater les bulles de prix et aider les opérateurs économiques à mieux prendre en compte les fondamentaux du marché. Comme sur le marché des changes et, plus récemment sur les marchés obligataires, une banque centrale ou une autre autorité compétente peut intervenir sur les marchés financiers en tant que contrepartiste ou comme institution capable de rétablir l’équilibre sur le marché en cas de surréaction.

                                                                                                      L.S.A