Dans une étude rendue publique ce 5 juin 2011, la Cnuced note que la détermination des prix sur les marchés des produits de base obéit de plus en plus à la logique des placements financiers plutôt qu’aux fondamentaux du marché.
Le marché des produits de base baigne dans une bulle spéculative. Pour la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (Cnuced), cela ne fait l’ombre d’aucun doute, les capitaux spéculatifs sont pour beaucoup dans la flambée actuelle des prix des denrées alimentaires. Dans sa dernière étude intitulée « Price formation in financialized commodity markets : The role of information », l’organisation spécialisée des Nations Unies établit que « l’anticipation par les marchés financiers d’une relance économique mondiale a contribué de manière disproportionnée à l’actuelle flambée des prix des produits de produits de base ». Elle y souligne à quel point les investisseurs financiers sur les marchés des produits de base s’appuient sur peu d’éléments d’information (mais connus de tous), ou sur des modèles mathématiques plutôt que sur les réalités physiques de l’offre et de la demande.
Panurgisme intentionnel
En effet, les données empiriques de l’étude, confirmées par les témoignages d‘acteurs sur ces marchés, attestent de la financiarisation − qui se traduit par une augmentation des investissements réalisés dans des produits dérivés de matières premières. Cette situation nouvelle « favorise des comportements grégaires » note le rapport. Et d’expliquer que « les opérateurs se comportent de plus en plus en fonction des décisions prises par d’autres intervenants sur le marché. Et ce "panurgisme intentionnel" est motivé d’une part par les incertitudes liées au manque de transparence qui règne sur ces marchés et d’autre part, par l’impact de l’évolution des indices boursiers sur les prix des produits de base ». Il peut donc être rationnel pour des acteurs du marché d’imiter les prises de position d’autres opérateurs ou simplement de suivre la tendance en fondant leurs décisions sur une interprétation de l’évolution historique des prix. La financiarisation des marchés de produits de base a introduit de nouvelles forces influençant les prix.
Plus de transparence
Ainsi, la détermination des prix sur les marchés des produits de base obéit de plus en plus à la logique des placements financiers plutôt qu’aux fondamentaux du marché. « Ces comportements, comme le déplore la Cnuced, peuvent nuire à l’économie réelle, là où les prix des biens comme les denrées alimentaires influent sur la santé et le bien-être, en particulier dans les pays les moins avancés ». Contre les travers de cette financiarisation, elle recommande diverses dispositions : « des mesure pour permettre une plus grande transparence dans le commerce des produits de base; une réglementation internationalement coordonnée des échanges de produits de base et une intervention directe des autorités de marché pour faire éclater la bulle spéculative ». Compte tenu du rôle vital que joue l’information dans l’évolution des prix des produits de base, la CNUCED insiste sur la nécessité d’améliorer le fonctionnement du marché. Et préconise de « renforcer la transparence sur les marchés de produits physiques, d’améliorer tant les flux d’information sur les échanges de produits de base que l’accès à ces flux, resserrer la réglementation des acteurs financiers et mettre en place des mesures directes de stabilisation des cours des produits de base ».
Louis S. Amédé
Mesures pour endiguer les effets néfastes de la financiarisation L’intervention des investisseurs financiers entraîne à court terme d’importantes distorsions de prix sur les marchés de produits aussi essentiels que les denrées alimentaires. Dans son rapport, la Cnuced souligne le rôle croissant sur le marché de ces investisseurs qui, grâce à leur puissance financière, peuvent modifier les prix à court terme. Une situation qui accentue l’instabilité et peut nuire aux marchés. Contre ces effets néfastes de la financiarisation, les auteurs du rapport intitulé « Price formation in financialized commodity markets : The role of information » proposent des mesures consistant, entre autres, à: • Renforcer la transparence sur les marchés de produits physiques afin de réduire les incertitudes, en améliorant la qualité et la véracité des données, particulièrement celles relatives aux inventaires. Cette mesure permettrait aux acteurs de mieux apprécier les rapports fondamentaux actuels et futurs entre l’offre et la demande de produits de base; • Améliorer tant les flux d’information sur les échanges de produits de base que l’accès à ces flux, spécialement concernant les prises de position des différents opérateurs sur les marchés de produits dérivés. En particulier, des mesures visant à ce que les obligations en matière d’information sur les transactions boursières existant en Europe soient comparables à celles en vigueur aux États-Unis, devraient considérablement améliorer la transparence des transactions et décourager le «nomadisme réglementaire»; • Resserrer la réglementation des acteurs financiers, par exemple en plafonnant le volume des positions pour limiter l’impact des investisseurs financiers sur les marchés des produits de base, tout en interdisant les transactions pour compte propre aux institutions financières qui effectuent des opérations de couverture au bénéfice de leurs clients, pour cause de conflit d’intérêts. Il faudra à cet effet trouver le juste milieu entre un plafonnement excessif du volume des positions spéculatives et un laxisme tout aussi excessif, y compris en matière de surveillance; • Mettre en place des mesures directes de stabilisation des cours des produits de base, consistant, par exemple, pour les autorités de tutelle des marchés, à intervenir ponctuellement pour faire éclater les bulles de prix et aider les opérateurs économiques à mieux prendre en compte les fondamentaux du marché. Comme sur le marché des changes et, plus récemment sur les marchés obligataires, une banque centrale ou une autre autorité compétente peut intervenir sur les marchés financiers en tant que contrepartiste ou comme institution capable de rétablir l’équilibre sur le marché en cas de surréaction. L.S.A |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire