mercredi 8 décembre 2010

Changement climatique: Les USA veulent convaincre d’en faire suffisamment


Par Louis S. Amédé


Les Etats-Unis considéré comme l’une des puissances économiques réticentes à lâcher du lest sur le front du changement climatique, a décidé de montrer qu’ils font plus que su. Dans cette optique Jonathan Pershing, l’envoyé spécial adjoint des Etats-Unis pour le changement climatique, d’expliquer à Cancun qu’on « fait énormément aux États-Unis et (...) il convient de bien saisir toute la portée de ces efforts. (Car) à l'étranger, on ne sait pas nécessairement tout ce qui se passe… ». Et donc de décliner quelques actions attestant de ce que Washington œuvre d’une manière sans précédent à faire face, sur le territoire américain et à l'étranger, aux conséquences des changements climatiques.

Plus 1,7 milliard de dollars à des projets climatiques en 2010

Le triplement des investissements climatiques américains à l'étranger en 2010, lui paraissent l’un des indicateurs pertinents des efforts d'initiatives diligentes de son pays « en vue d'encourager le reste du monde à passer aussi à l'action ». Ces ressources sont allées notamment dans le nord-ouest du Kenya où le programme d'infrastructure africaine de l'USAID appuie l'exécution d'un projet d'éoliennes de 300 mégawatts qui pourrait un jour satisfaire le quart des besoins du pays en électricité. Petite précision de Jonathan Pershing « ce projet du lac Turkana, de 620 millions de dollars, pourrait prévenir l'émission de 650.000 tonnes de gaz carbonique par an tout en créant des centaines d'emplois ». Autre bénéficiaire, les Philippines. L'USAID y apporte également son concours à une nouvelle usine de cogénération par biomasse de 1,2 mégawatt qui devra procurer des revenus à au moins 700 exploitants qui géreront environ 1.700 hectares de forêt productrice de biomasse.

Globalement les États-Unis auront consacré, en 2010, 1,7 milliard de dollars à des projets climatiques dits « à démarrage rapide » dans des pays en développement. C'est un montant trois fois plus important que celui de l'année précédente et dix fois supérieur aux sommes consenties pour des projets d'adaptation climatique entrepris dans le monde en développement, a indiqué l’envoyé américain à Cancun. En outre précisera Maura O’Neill, directrice de l’innovation à l’USAID, dans la droite ligne du texte de Copenhague qui disposait que les pays industrialisés verseraient 30 milliards de dollars d'aide immédiate liée au climat en faveur des pays en développement « les États-Unis se sont associés à l'Australie, à la France, au Japon, à la Norvège et au Royaume-Uni pour lever 3,5 milliards de dollars en faveur de la lutte contre le déboisement dans le monde en développement, les zones prioritaires étant l'Amazonie, le bassin du Congo et l'Indonésie ».

Maintenir et respecter l’objectif de réduire de 17% ses émissions, l’inconnue

Si ces efforts américains ne sont pas à négliger, ils sont loin de constituer le point sur lequel Washington est le plus attendu sur la problématique du changement climatique. La préoccupation générale est plutôt du côté de la capacité des Etats-Unis à non seulement maintenir son engagement à « réduire de 17% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020 par rapport à son niveau de 2005 » mais également à s’y conformer. Surtout qu’au terme des élections de mi-mandat Outre-Atlantique, le Congrès et le Sénat sont passés sous le contrôle des Républicains, ouvertement hostiles à cet objectif chiffré par le président Barack Obama, lui-même. A en croire la délégation américaine, il n’y a pas péril en la demeure, d’autant qu’il existe des moyens autres que législatifs à la disposition de l’Administration pour faire face au problème des émissions. Et d’assurer que « le gouvernement Obama œuvre de concert avec l'administration fédérale en vue de concrétiser ces possibilités ». Un exemple de moyen étant que sur le plan national, l'administration fédérale élabore de nouvelles normes d'efficacité énergétique pour les véhicules et pour les industries qui devrait déboucher sur des mesures afin de limiter leurs empreintes carbone.

S’il est vrai que sous l’ère Obama, les Etats-Unis font preuve de moins d’insouciance et de désinvolture qu’au cours de la dernière décennie sur la question du changement climatique, cette évolution est loin de suffire pour convaincre les parties de la détermination résolue de Washington à faire bouger positivement les lignes dans les négociations en cours. Washington doit encore faire ses preuves pour convaincre.

Emissions de CO2 : Londres montre la voie à suivre


Par Louis S. Amédé

« Réduire ses émissions de gaz carbonique de 60% d’ici 2030 par rapport à son niveau de 1990, avec, une utilisation à la marge des mécanismes de flexibilité ». Tel est la prescription fort ambitieuse que le Comité Climat, puissant organe réglementaire conseillant le gouvernement du Royaume Uni vient de faire au Premier ministre britannique David Cameron et son team. Dans les couloirs du village climatique érigé à Cancun pour la circonstance du COP 16, cet appel est fort apprécié. Les organisations non gouvernementales du pays de Sa Gracieuse Majesté, Elizabeth II qui y tiennent des stands n’en sont pas peu fiers. Cette recommandation pose leur pays en locomotive de la transition vers une économie neutre en carbone. Et le sentiment le plus répandu, en leur sein, est que « David Cameron qui s’était engagé, lors de son accession au pouvoir, à gouverner vert, tient là une belle occasion ».

Le Royaume Uni proactif

Sur le front de la question de la réduction des gaz à la base du réchauffement climatique, il faut dire que Londres est plutôt proactif. Alors que l’UE est encore au stade des études pour établir ses objectifs de réductions des émissions à l’échéance 2030 qui, seront rendus publics seulement au printemps 2011, le Royaume Uni lui s’est déjà astreint dans le cadre d’une Loi Climat à « réduire les émissions de 80% d’ici à 2050 » et procède dans cette optique par « budgets carbone quinquennaux ». Pour le Comité Climat qui est le gardien de cet objectif global, cela l’ombre d’aucun doute qu’il est réaliste et réalisable. Et de préciser que « une réduction de 60% des émissions d’ici 2030, -dont de 50% au moins en 2025-, est faisable et à un coût très raisonnable : moins de 1% du PIB du Royaume Uni ».

D’ailleurs l’instance consulaire britannique ne s’arrête pas là. Le Royaume Uni étant membre de l’UE, elle conseille à l’Europe, en pleine tergiversation, de déjà adopter l’objectif de 30% de réduction de ses émissions d’ici à 2020. Puis, d’être plus ambitieuse pour 2030 en visant un objectif de 55% par rapport au niveau de 1990. Dans un contexte générale de négociations sur le changement climatique où les parties autour de la table n’abattent leurs cartes des efforts de réduction d’émissions de gaz carbonique à faire qu’en fonction des propositions des autres, le Royaume Uni semble avoir décidé de jouer carte sur table. Sans attendre l’UE, il entend dérouler pleinement sa stratégie en la matière, ne serait-ce que dans les secteurs déjà couverts par le marché carbone européen. Londres a donc décidé de montrer la voie. Quel autre pays développé et/ou émergent qui suivra ? Cela ne risque ni d’être les Etats-Unis, encore moins la Chine.

mardi 7 décembre 2010

Changement climatique: Mobilisation pour une meilleure prise en compte de l’Agriculture


Par Louis S. Amédé

« Il ne peut y avoir de sécurité climatique sans sécurité alimentaire. De même, il n’y a pas de sécurité alimentaire sans sécurité climatique ». La plateforme des donateurs, une coalition regroupant 19 organisations internationales, étatiques et de la société civile occidentales et africaines, voudrait indiquer clairement que « l’approche fragmentaire », adoptée depuis Copenhague l’année dernière, dans les négociations en cours sur le changement climatique, « n’est pas durablement viable » et appeler « à une approche plus holistique » qu’elle ne se serait pas mieux prise. En choisissant ainsi de jeter une aussi grosse pierre dans le jardin des parties à la conférence de Cancun et singulièrement dans celui des Nations Unis, ces organisations au nombre desquelles la Centre Technique (ACP-UE) pour l’Agriculture et le développement rural (CTA), la FAO, la Banque mondiale, l’IFAD, le CGIAR espèrent les incliner à « mieux prendre en compte l’agriculture dans les discussions en cours » explique Lindiwe Sibanda, Président du Réseau d’analyse des politiques alimentaire, agricole et de ressources naturelles (FANRPAN).

L'agriculture à la marge...

En effet, les discussions en cours sur le changement climatique ne visent que très discrètement l’agriculture. C’est à peine si cette activité aux confluents de la problématique du changement climatique, des préoccupations de sécurité alimentaire et de lutte contre la pauvreté et en ce qui concerne le monde en développement particulièrement, du problème de développement, n’est pas tenue à la marge. Et pourtant, est formelle, Inger Andersen, Vice-présidente, Développement durable à la Banque mondiale, « l’Agriculture est déterminante pour la problématique du changement climatique en ce qu’elle est, non seulement, une part du problème mais, mieux encore, elle en est une composante majeure de la solution ». Les données attestant de cette double réalité ne manquent pas.

... Et pourtant

Autant « 17% des émissions globales des gaz à effet de serre sont produites par le secteur agricole, 70% des pauvres de la planète vivent en milieu rural et dépendent de l’agriculture pour survivre, et le secteur subirait de plein fouet les effets du changement climatique en terme de réduction de productivité et d’accroissement de la vulnérabilité ». De même il est établit que « de bonnes terres et des pratiques culturales telles que l’agroforesterie, l’amélioration de la gestion de l’eau et des fertilisants sont susceptibles d’induire une réduction d’au moins 13% des émissions de gaz carbonique ; une agriculture intensive plutôt qu’extensive améliorant la productivité préserverait les écosystèmes et que face au grand problème de la sécurité alimentaire, l’agriculture pour satisfaire les 9 milliards de personnes que va compter la planète en 2050, devra améliorer sa productivité de 2,25 fois par rapport à son niveau de 2000, ce qui requiert une approche intégrée de gestion de la terre, l’eau, les jachères… »

La Journée de l’Agriculture et du développement rural (ARDD) organisé par la plateforme des donateurs, le samedi 4 décembre 2010 au Gran Melia Cancun Hotel, en marge des négociations a eu un succès retentissant. Elle a mobilisé plus de 400 personnalités autour de l’agriculture, toutes acquise à l’idée d’une meilleure prise en compte de l’agriculture dans les négociations en cours sur le changement climatique. Il faut juste espérer que les négociateurs aient perçu la pertinence du message.

Changement climatique: Richard Branson, patron du groupe Virgin aux négociateurs : « Osez ! »


Par Louis S. Amédé


Le changement climatique est très tendance ces trois dernières années. La problématique préoccupe bien au-delà de la sphère publique engagée, -sous l’égide des Nations Unies, dans des négociations sur l’après Protocole de Kyoto-, et des mouvements écologistes. La preuve la plus récente de cet état de fait à été donné, le 4 décembre 2010, par le multimilliardaire britannique, Richard Branson qui est monté au créneau pour appeler les parties autour de la table de négociation à Cancun (Mexique) à de l’action. « Faisons quelque chose. Agissons maintenant avant qu’il ne soit trop tard. Arrêtons avec les solutions en trompe-l’œil, passons donc à l’action, osons ! » a-t-il interpellé les négociateurs.

Pousser les politiques dans le dos à un accord

En effet alors que les effets dévastateurs du changement climatique s’observent aussi bien dans le monde en développement que développé, l’allure que prend les discussions dans la ville balnéaire mexicaine ne laisse rien présager d’ambitieux. Les parties en présence ne manifestant visiblement pas une grande disposition à s’engager sur la voie de « l’accord global assorti d’astreintes quantitatives » qui est appelé de tous les vœux depuis le rendez-vous précédent de Copenhague. Le patron du group multi-tentaculaire Virgin, espère avec son appel, pousser un peu dans le dos, les politiques par trop timorés et très hésitants, à trouver un terrain d’entente pour s’accorder définitivement sur des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) par pays. Une gageure ?

En l’état actuel d’avancement des négociations, le moins que l’on puisse dire c’est que parvenir à ce résultat paraît bien inatteignable aux uns et aux autres. Et pour cause, les attentes sont à la fois contradictoires et parallèles. Les pays en développement militent pour une prolongation du Protocole de Kyoto, -considéré comme un moindre mal-, au-delà de 2012 ; les Etats-Unis joue la montre prenant le parti d’une consolidation du processus découlant de l’accord à minima et au forceps de Copenhague ; et, d’autres membres du G20 tels que le Japon, le Canada, la Russie (voire même l’Europe qui tente maladroitement de caché son jeu en muant dans un mutisme) déjà engagés dans des efforts de réduction de leurs émissions de GES sous l’empire du Protocole de Kyoto (ce qui n’est pas le cas des Etats-Unis et de la Chine qui ne l’ont pas ratifié) sont plutôt pour que la logique soit respectée. C’est-à-dire que le Protocole de Kyoto fasse place à l’échéance 2012 à « un nouveau régime plus large, mondial », directif et plus contraignant pour tous… les pollueurs.

Réalisme oblige, un consensus sur la prolongation de Kyoto suffirait…

D’ailleurs dès l’ouverture de cette 16ème Conférence des parties (COP 16), le ton avait été donné par les différents intervenants qu’il ne fallait nullement s’attendre à un résultat… spectaculaire. Car, il y a nécessité à « éviter un vide après la première période d’engagement et préciser l’avenir du Protocole de Kyoto, ainsi que la poursuite de la participation du secteur privé au-delà de 2012 par l’entremise des mécanismes de marché prévus par le Protocole… ». Parvenir à s’accorder sur la prolongation de Kyoto au-delà de 2012 serait donc l’enjeu de ce COP 16. « Chacun est favorable à une continuité de Kyoto. Ce dont nous devons être conscients, c’est que nous disposons d’un temps limité pour prendre des décisions » a expliqué un officiel mexicain. Réalisme et pragmatisme auxquels le boss du groupe Virgin, habituellement excentrique, a lui aussi cédé. Préconisant en cette occurrence, aux négociateurs, un consensus à obtenir de manière équitable sur une base globale et qui serait engageant pour tous.

                                                                                                                    

Changement climatique: La Chine maintient le cap sur ses objectifs

 
 
S’il est un pays émetteur de gaz à effet de serre (GES) qui, avec les Etats-Unis, est très attendu sur le front de la lutte contre le réchauffement climatique, c’est bien la Chine. Mais l’Empire du milieu principal moteur de la croissance mondiale et usine du monde, n’entend pour autant pas faire les choses autrement que comme il le veut, lui. Et Xie Zhenhua, vice-directeur de la Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme, chef de la délégation chinoise présente à la 16e Conférence des Parties sur le changement climatique (COP 16), l’a fait savoir.

"La Chine est confrontée à plusieurs défis, dont le développement économique, l'éradication de la pauvreté, la protection de l'environnement et la réduction des émissions de GES. Nous apprenons actuellement auprès des pays développés comment lutter contre le changement climatique et nous essayons de tirer des leçons de leurs expériences et d'éviter de répéter leurs erreurs" a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse. Décryptage de ce message enrobé adroitement dans une sorte de modestie et d’humilité : la Chine s'efforce d'atteindre son objectif sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre essaie et est engagé dans la lutte contre le changement climatique et la protection de l'environnement, tout en maintenant son développement économique.

Pas question de céder à la pression

Ainsi donc, il est hors de question pour Pékin, de céder à la pression ambiante. Car comme n’a de cesse d’expliquer la délégation chinoise, au-delà de sa croissance économique, la réalité à ne pas occulter est que « la Chine est confrontée à un problème du développement. Avec une vaste population dont plus 150 millions vivent sous le seuil de pauvreté, des bases économiques faibles et un développement déséquilibré, elle est loin d'être un pays riche. Son PIB par habitant s'établit à quelque 3.700 dollars, ce qui place le pays au 100e rang mondial... ». Pour autant, assure Xie Zhenhua, "Nous ne manquerons pas à notre promesse d’atteindre d'ici la fin de l'année l'objectif que la Chine s'est fixée dans son 11e plan quinquennal, de réduire de 20% sa consommation énergétique par unité de PIB ».

A en croire, le chef de la délégation chinoise à Cancun la dynamique de réduction des émissions de GES est déjà bien en cours. Et d’indiquer que " dans le processus (actuellement en cours) d'industrialisation et d'urbanisation, Nous avons adopté une série de mesures consistant à économiser l'énergie, améliorer l'efficacité énergétique, ajuster les combinaisons d'énergies, transformer le mode de développement et développer les énergies renouvelables". De là à annoncer que « la Chine a énormément contribué à la lutte contre le changement climatique », il y a un rubicon que le vice-directeur de la Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme a vite faire de franchir. Rappelant au passage que la Chine avait déjà annoncé l'année dernière à Copenhague (COP 15) qu'elle réduirait d'ici 2020 l'intensité de ses émissions de carbone par unité de son PIB de 40 à 45% par rapport au niveau de 2005.

                                                                                                                         Par Louis S. Amédé