mercredi 16 décembre 2009

Changement climatique: Et l’Afrique sortit ses griffes !


Par Louis S. Amédé

La problématique du changement climatique est pour le monde en développement en général, et pour l’Afrique en particulier, plus qu’une simple préoccupation environnementale, un vrai défi du développement. Il charrie un vent de revisitation du modèle de développement des pays du continent ; une remise en cause des paradigmes jusque-là adoptés, sous injonctions conditionnelles du monde développé et astreintes comminatoires des institutions internationales de développement, pour sortir de leur état de sous/mal développement. Hier, 14 décembre 2009, l’Afrique fort du poids du Groupes des 77 (G 77), a fait prendre la mesure de cette réalité aux parties prenantes au Sommet de Copenhague sur le changement climatique. Elle a courageusement quitté la table des discussions, pour refuser qu’on en arrive astucieusement à faire peser sur ses frêles épaules, un effort trop et dommageable pour sa croissance, dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique.

Jeter aux orties le protocole de Kyoto et ses prescriptions de réduction du niveau de pollution des pays développés et ignorer les recommandations du Groupe International d’Experts sur le Climat (GIEC) à l’ensemble des pays développés de réduire de 40% (par rapport à 1990) leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2020, comme cela tend à y conduire subrepticement les discussions au Bella Center, ne pourraient faire l’affaire de l’Afrique. Pas question pour le continent, d’être le dindon d’une farce où, les pays développés, sous couvert d’appuis financiers aux pays en développement pour faire face aux effets du changement climatique et aux ajustements techniques et technologiques subséquents, pourront continuer polluer au-delà des engagements/restrictions convenus par tous (à l’exception des Etats-Unis) à Kyoto. Et où, l’Afrique et plus globalement le monde en développement, déjà en souffrance de développement, devra revoir à la baisse son ambition de sortir de cet état de fait… pour le bien de l’ensemble de la planète.

Un texte informel de la présidence danoise du sommet, en circulation sous le manteau la semaine dernière, avait déjà donné le ton de cette mascarade. Ce qui avait suscité un courroux, sous-estimé sans doute, des pays en développement. Hier l’Afrique soutenu par l’ensemble des pays en développement et la Chine a donné à voir qu’elle n’a pas fait le déplacement de Copenhague pour faire de la figuration. Ceux qui doutaient de la capacité du continent à ne pas s’en laisser conter, au cours de cette grand’messe sur le changement climatique orchestrée par les Nations Unies en ont été pour leurs frais. Certes le temps de quelques heures. Mais suffisant pour que l’ensemble des parties prenantes au groupe de travail réalise que seul un accord équilibré et juste pour toutes les parties, ouvrirait des perspectives pour l’avenir climatique de l’humanité.


Vent froid… d’échec


Par Louis S. Amédé

Hier mardi 15 décembre 2009, huitième jours de la grand’messe climatique qui se tient au Bella Center de Copenhague, la perspective d’un accord entre les parties, paraissait bien éloignée. Et le Premier ministre britannique, Gordon Brown, n’a pas fait mystère de ce qu’il serait « difficile », de son point de vue, de parvenir à un accord dans la capitale danoise. Il faut en convenir les lignes de défense des différents groupes d’intérêts en présence sont des plus tranchées. Europe, Etats-Unis, Chine et Afrique, chacun ne veut plus rien lâcher. La convergence de vue sur la nécessité de préserver la planète du réchauffement dangereux du climat se prolonge par des voies et voix divergentes sinon parallèles, dès lors qu’il faille s’accorder sur les conditions et les niveaux de sacrifices à consentir par les uns et les autres.

Pékin a ainsi prévenu qu’il n’entendait pas débattre, ici à Copenhague, de ses objectifs d'émissions de gaz à effet de serre. Laissant entendre à tous qu’il ne prévoit donc pas de réduction en volume absolu afin de ménager sa croissance. Côté américain, Todd Stern, le négociateur en chef a, au cours d’une conférence de presse, indiqué clairement que les Etats-Unis « ne prévoient pas de revoir à la hausse ses objectifs de réduction à l'horizon 2020 » ; précisant, au passage, que pour qu’il puisse en être autrement, le Congrès doit encore adopter une loi en la matière. L’Europe quant à elle n’en fini donner dans des déclarations de bonnes intentions, -contredites par les actes-, pour mieux faire porter,in fine, le poids d’un échec du sommet, aux Etats-Unis et à la Chine. L’Afrique reste à ce jeu de convergences parallèles, la seule à en appeler à un accord équilibré assis sur les acquis de Kyoto et intégrant les recommandations du GIEC et l’impérieuse nécessité d’appuis financiers et technologiques conséquents et prévisibles aux pays en développement pour les aider à s’adapter aux exigences nouvelles de développement induites par le réchauffement climatique.

Comme si le grand froid qui s’est abattu, en début d’après midi, sur Copenhague avait gelée les ambitions et douché le dynamisme des négociateurs, et que ces derniers s’étaient convaincus que les jeux étaient faits, -avec des points de clivages aussi éloignés les uns des autres-, ils ont soumis un nouveau projet d'accord qui laisse de côté les objectifs chiffrés. Pour contrecarrer le vent froid d’échec qui soufflait sur le sommet hier mardi, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, est monté au créneau pour repréciser les choses. « Nous sommes ici pour dessiner un nouvel avenir pour notre planète… Le changement climatique est le plus grand défi de notre temps… Nous sommes donc ici pour forger un accord équilibré, ambitieux et exhaustif pour limiter à moins de 2°C le réchauffement de la température générale ». A cet effet il a mis toutes les parties prenantes en garde contre « les positions de négociation maximalistes et les exigences irraisonnables et les pressions sur les partenaires ». « L’heure est au consensus. Personne n’obtiendra tout ce qu’il veut ou attend au cours de ces négociations. Mais si nous travaillons ensemble à obtenir un accord, chacun il trouvera son compte » il a interpellé les uns et les autres. Sera-t-il attendu ? Les organisations de la société civile fortement représentée à Copenhague ont peine à le croire. Pas forcement à tort.