mardi 9 octobre 2012

Sécurité alimentaire: Oxfam évalue à 30 milliards de dollars les effets de la crise en Europe sur les pays pauvres



« La Banque mondiale et le Fmi doivent intensifier leur soutien aux pays en développement qui sont aux prises avec un gonflement des prix des denrées alimentaires et les contrecoups des difficultés budgétaires en Europe ». Rien que cela ! Pour Elizabeth Stuart, directrice du bureau de Washington d’Oxfam international, c’est même un impératif. Et pour cause, explique-t-elle, « la panne économique de l’Eurozone pourrait coûter aux pays les plus pauvres du monde, plus de 30 milliards de dollars de pertes en termes de commerce et d'investissements étrangers ». De plus, la spirale de baisses de recettes d'exportation et de capitaux non générateurs d’endettement dans laquelle ces pays risquent d’être plongés va  « non seulement  endommager leurs économies mais également exercer une pression sur les ressources déjà limitées qu’ils affectent au financement des services sociaux » elle a argumenté.

Péril en la demeure… de l’Afrique !

A peu de mots près, pour Oxfam, il y a péril en la demeure en ce qui concerne les économies africaines. La conjugaison de trois facteurs alimente cette perspective grise. D’une part, l’envolée des prix des denrées alimentaires qui avoisinent actuellement les sommets atteints en 2008-2009. D’autre part, les effets négatifs de la récession économique en Europe et aux Etats-Unis sur les revenus des pays pauvres. Et enfin, la hausse du cours du pétrole qui, en même temps qu’elle nourrit une course aux ressources naturelles, alimente une dynamique dangereuse pour les populations rurales d’accaparement des terres arables. « Alors que les prix des denrées alimentaires augmentent, les investisseurs achètent d'immenses étendues de terres ;  au cours des dix dernières années, des terres dont la surface globale équivaut à six fois la taille du Japon, ont été cédées dans les pays pauvres. Ce "deal" se fait au détriment des populations pauvres vivant en milieu rural, qui sont ainsi privés de leurs moyens de subsistance, sans consultations préalables ni compensation » s’indigne Elizabeth Stuart.

Rôle pour la Banque mondiale et le Fmi

Face donc à cette situation qu’elle et son organisation qualifient « d’injuste », la directrice du bureau Oxfam – Washington appelle « la Banque mondiale et le Fonds à aider à protéger les moyens de subsistance des populations pauvres, la terre qui est leur principale source de nourriture ». Le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, n’avait-il pas indiqué que les assemblées annuelles actuelles de Tokyo traiteraient de « la hausse des prix des denrées alimentaires, la baisse de l’aide et la contraction des flux de capitaux affectant durement les pays pauvres » ? Oxfam a tenu à le rappeler très opportunément.  Aiguillonnant chacune des deux institutions de Bretton Woods, sur ce qui pourrait être leur rôle : « en tant qu'investisseur  et conseiller des pays en développement, la Banque mondiale doit aider à lutter contre le fléau d’accaparement des terres en Afrique » et « le Fmi devra travailler avec les gouvernements de ces pays pour qu’ils disposent de la marge de manœuvre nécessaire pour accroître le financement des services sociaux et lutter contre les inégalités de revenu ». 

                                                                                         Louis S. Amédé, Tokyo   

lundi 8 octobre 2012

Croissance mondiale: Le FMI revoit ses prévisions de croissance à la baisse

M. Olivier Blanchard, conseiller économique et directeur du Département Recherche au FMI présentant les Perspectives de croissance de l'économie mondiale pour 2013. (Photo IMF)

Le Fonds monétaire vient de réajuster, légèrement à la baisse, ses perspectives de croissance de l’économie mondiale pour 2013. « Par rapport à nos dernières prévisions en avril, nos projections de croissance pour 2013 ont été révisé de 1,8% à 1,5% pour les pays avancés et de 5,8% à 5,6% pour les pays émergents et en développement » a déclaré, ce mardi 9 octobre 2012 à Tokyo, Olivier Blanchard, Conseiller économique et Directeur du Département de la Recherche  au Fonds monétaire international (Fmi).

Présentant les « Perspectives de l’économie mondiale » à octobre 2012, il a justifié « cette révision à la baisse générale » par le fait que « la reprise subit de nouveaux revers, et l'incertitude pèse lourdement sur les perspectives du fait que les politiques en cours dans les économies avancées majeures peinent à rétablir la confiance dans les perspectives à moyen terme ». S’il n’épargne aucune partie de la planète, le ralentissement de la croissance est cependant bien plus prononcé pour « deux groupes de pays : les membres de la zone euro, où nous prévoyons une croissance proche de zéro en 2013, et pour trois des grandes économies émergentes, la Chine, l'Inde et le Brésil » a-t-il relevé. Les uns font les frais du « rééquilibrage budgétaire et de la faiblesse de leur système financier » tandis que les autres paient un tribut à la panne de croissance des premiers.

L’Afrique subsaharienne vulnérable au resserrement politique en Occident

Le resserrement des politiques dans les pays développés en réponse aux contraintes de capacités liées au ralentissement de la croissance dans ces pays, met, quelque peu, sous pression les économies des pays en développement, notamment d’Afrique. Bien que le continent maintient la tête hors de l’eau, avec une perspective de croissance en 2013, toujours au-dessus de 5%, « il ne reste pas moins vulnérables à un affaiblissement prolongé de la demande dans les pays développés, notamment pour ce qui est de ses exportations » reconnaît un officiel ghanéen. Les risques que les perspectives favorables de croissance de l’Afrique subsaharienne baissent restent donc élevés. Les économistes du Fonds, pointant du doigt, à cet effet, « principalement le sentiment répandue d’incertitude mondiale ainsi que le fort ralentissement de la croissance mondiale qui découlerait d’une aggravation ou du persistance prolongée de la crise de la zone euro ».

L’Europe et les Etats-Unis, les potentiels détonateurs

Mais de l’avis  d’Olivier Blanchard, globalement, il y est possible que « le plus dur soit derrière nous ». A condition tout de même que « d’une part les décideurs européens adoptent des politiques qui assouplissent progressivement les conditions financières dans les économies périphériques en allant de l’avant dans activation du Mécanisme européen de stabilité, la construction d’une union bancaire et la réalisation d’une plus grande intégration fiscale. D’autre part, que les décideurs américains empêchent l’augmentation drastique des taxes et la compression des dépenses automatiques (mur budgétaire) que prévoit la loi des finances actuelle, relèvent, de manière opportune, le plafond de la dette fédérale, et fassent des progrès vers un plan global visant à rétablir la viabilité budgétaire du pays », il a insisté. Une gageure !
                                                                                       Louis S. Amédé, Tokyo

Surendettement des pays avancés: Le Fmi conseille de tourner le dos à l’austérité tous azimuts

Tokyo International Forum abrite les assemblées annuelles 2012 du Fmi et de la Banque mondiale (Photo Banque mondiale)


L’endettement public dans les pays avancés n’en finit pas de préoccuper. Il est l’un des sujets au cœur des assemblées annuelles du Fonds monétaire international (Fmi) et de Banque mondiale qui se tiennent actuellement à Tokyo. La raison,  la dette publique y caracole à  des niveaux record, jamais atteints depuis la Deuxième Guerre mondiale. Comme le note le Fmi dans ses perspectives de l’économie mondiale à octobre 2012, « au Japon, aux États-Unis, en Grèce, en Italie, au Portugal et en Irlande, la dette brute dépasse 100 % ». Et de plus, malgré la croissance faible, au mieux des cas, et les déficits budgétaires persistants qui caractérisent leur économie, ces pays doivent faire avec « des engagements futurs et éventuels élevés corollaires du vieillissement des populations et de la fragilité des secteurs financiers ».

Soutenir l’activité, la première  des priorités

Pour faire face à l’épineux problème actuel du surendettement public,  le Fmi conseille aux Etats concernés, non plus de l’austérité tous azimuts, mais de « rééquilibrer le budget et de doser la politique économique de manière à soutenir la croissance ». Et pour cause note le Fonds,  « étant donné la faiblesse de la croissance mondiale, la première priorité est de la soutenir ». Une appréciation de la situation qui épouse désormais, la lecture des économistes de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (Cnuced) qui, face à la déferlante des programmes d’austérité, ont soutenu dès 2010 que « le diagnostic est erroné,  l’obstacle à la reprise est non pas l’accroissement des dettes publiques, mais l’absence de demande intérieure ». Le Fmi qui peine à infléchir les politiques économiques américaine et européenne  conseille fortement donc, notamment aux Etats-Unis, au Japon et aux 17 pays de l’Eurozone, de  « résoudre les problèmes structurels sous-jacents  de leur économie ; d’adopter des politiques monétaires soutenant, autant que possible, l’activité ; de renforcer la transparence et la responsabilisation dans le processus budgétaire ».

Réduire la dette publique, un marathon non un sprint

« La réduction de la dette publique prend du temps, surtout sur fond de conjoncture extérieure fragile. Il s’agit d’un marathon, pas d’un sprint » a expliqué Olivier Blanchard, conseiller économique au Fmi ce mardi. Assurant que « le déséquilibre global et la vulnérabilité corrélative ont quelque peu diminué » sous l’effet des mesures en cours dans les pays avancés ; et que conséquemment,  une « réduction modeste de la dette reste possible sans croissance forte ». La situation de surendettement de l’Etat dans les pays développés fait souffler sur la stabilité économique et financière mondiale, un vent glacial. Les craintes sont de plus en plus fortes concernant la viabilité des finances publiques et la solution de l’austérité budgétaire tous azimuts doublée d’une compression des salaires adoptée jusque-là, çà et là, dans ces pays, alimente la menace d’un coup de frein à l’expansion économique dans les pays en développement, notamment d’Afrique. Ces derniers, malgré des perspectives de croissance toujours aussi prometteuses à plus de 5%,  demeurent vulnérables face à un affaiblissement de la demande dans les pays développés, pour ce qui est de leurs exportations dont la contraction est tout à fait probable.  


                                                                                          Louis S. Amédé, Tokyo

Banque mondiale – Fmi :Un automne à Tokyo pour restaurer la croissance mondiale


Le cœur de Tokyo la capitale du Japon bat, depuis aujourd’hui, au rythme des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (Fmi). De cette grand’messe des décideurs politiques et économiques de la planète, il est espéré par les organisations de la société civile, qu’il en sorte « quelques solutions concrètes pour sortir l’économie mondiale de la situation critique dans laquelle elle n’en finit pas d’être depuis la dernière crise financière de 2007-2008 ».

En effet, outre les Etats-Unis, le Japon et l’Europe qui peinent à redonner de l’allant à la croissance de leur économie, certains pays émergents, notamment la Chine et l’Inde,  commencent, eux aussi, à montrer des signes préoccupants d’essoufflement au plan économique. Et cette situation n’est pas sans nourrir de réelles préoccupations. Elle impose à tous les Etats, de trouver un bien meilleur équilibre, entre réduction de leur dette publique et leur politique de soutien à la croissance. Mais l’exercice est rendu d’autant complexe que la conjoncture économique générale est plutôt bien fragile.

Des assises globales

Conséquence, ces assises d’automne des institutions jumelles de Bretton Woods n’auront pas une thématique vedette. Au contraire, elles devront apporter des réponses à une panoplie de préoccupations. Celles-ci vont de la finalisation de la réforme du FMI visant à donner un peu plus de poids aux pays émergents pour laquelle les Etats-Unis  d’accord sur le principe traînent actuellement les pied pour donner son "OK" décisif pour la mise en œuvre, au ralentissement de la croissance dans les pays émergents, en passant par les défis auxquels doivent faire face, dans ce contexte, les pays en développement pour leur développement ; la crise persistante dans l’Eurozone et la capacité réelle du FMI à y faire appliquer ses remèdes, la nécessité de relancer l’emploi qui dans les pays en développement constitue un important facteur de réduction de la pauvreté…

« La fragilité de la situation économique mondiale actuel requiert que puissent être dissipées autant que possible les multiples inquiétudes qu’elle nourrit. Conséquemment ces assemblées annuelles ne peuvent être dominées par un seul sujet, elles ont donc un caractère plutôt global » expliquent en chœur les responsables du FMI et de la Banque mondiale. Soutenant, dans la foulée, que le défi du moment est de : « restaurer la croissance et booster le partage de la prospérité ». Manière de rassurer les délégués des 188 pays propriétaires des deux institutions financières internationales de leur détermination à agir de manière décisive à leur côté pour redonner du tonus à une économie mondiale en délicatesse depuis la récession globale consécutive à la crise de 2007-2008.
                                                                                          Louis S. Amédé, Tokyo

vendredi 28 octobre 2011

Chronique: Agriculture secteur refuge

Et si l’agriculture était, actuellement, le meilleur refuge pour les investisseurs ? La terre ne trompe pas aimait à dire un sage africain. Par ces temps d’incertitudes économico-financières marqués, au plan international, par l’explosion en vol de la sûreté des titres de créances sur les Etats (obligations souveraines) de la zone Europe, les Etats-Unis et le Japon et, la fiabilité, désormais, sujette à caution des actifs de certains établissements bancaires et financiers européens et américains, l’idée ne manque pas d’intérêt.

Fonds monétaire international (FMI), Banque centrale européenne (BCE), Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced)… tous s’accordent à reconnaître, mutatis mutandis, que le monde est entré « dans une nouvelle phase dangereuse… et la reprise fragile en cours risque de faire long feu », comme l’a récemment soutenu la directrice générale du Fmi, Christine Lagarde.

Certes, récurrente est, sur les marchés de matières premières, la peur d’une bulle sur les produits agricoles. Et cette perspective n’est d’ailleurs pas à minimiser. Mais, il y a bien moins de risque, voire de danger, à investir, -par ces temps troubles où l’annonce de chaque nouvel indicateur des économies avancées est précédée d’un climat de tension et de fébrilité-, dans le secteur agricole.  Notamment en Afrique et dans les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine où, la création de la richesse est encore vive et les besoins en financement très importants. Que les investisseurs aient renforcé leurs paris sur les matières premières agricoles, les portant au plus haut depuis début mai, n’est pas le moindre des signes cet état de fait.
                                                               Louis S. Amédé
                                                               04 septembre 2011

Chronique: Acte de contrition à Dame Nature pour nos irrévérences

Les saisons ne connaissent plus. Il pleut quand il ne faut pas ou qu’il n’en faut quand il faut. Il fait chaud à contre saison. La prévisibilité saisonnière du temps variable certaine avant le début du 21ème siècle est depuis une décennie une variable aléatoire.  Jouer à cache-cache avec les découpages saisonniers traditionnels, déjouer les prévisions météorologiques, dame nature, sans doute fatiguée des excès de tout genre, à elle infligée par nous les Hommes, a décidé, de prendre sa revanche. Astucieusement d’ailleurs, en nous mettant en face de nos responsabilités sous la forme de changement climatique.

Nos irrévérences d’hier et d’aujourd’hui encore, à son égard au nom du développement, nous valent les inondations par ci, les sècheresses par là, les tsunamis et autres ouragan dévastateurs ailleurs. Et ironie du sort, au tableau des conséquences du changement climatique, pays riches et pays pauvres sont logés à la même enseigne. A chacun son lot de catastrophes, de drames humanitaires. Des destructions naturelles qui sont autant d’avertissements à l’ensemble de notre humanité et surtout des interpellations bruyantes sur notre responsabilité individuelle et collective quant à la préservation de la planète.

A Durban (Afrique du Sud), dans quelques jours, le monde entier se réunira autour du climat. Et le meilleur acte de contrition qui pu y être fait, par tous, et plus singulièrement les pays développés, est de s’accorder sur  l’avenir du Protocole de Kyoto pour après 2012 et conclure un accord légalement contraignant réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES) de ces derniers, à l’origine des changements climatiques.
                                                                                  Louis S. Amédé

Aviculture: La filière ivoirienne, sous la menace d’une relance des importations extra africaines

 importante source d’approvisionnement de la Côte d’Ivoire en protéines d’origine animale, le secteur avicole moderne ivoirien devra s’apprêter à connaître encore des périodes difficiles si, venait à être confirmée, l’option du gouvernement de rouvrir les vannes de l’importation de viandes de volaille congelées.
"La filière avicole ivoirienne est devenue un secteur économique avec une valeur ajoutée de près de 72,224 millions d'euros" reconnaît le ministre des ressources animales et halieutiques de la Côte d'Ivoire.

Les couloirs du conseil de gouvernement tenu mardi et mercredi derniers, bruissent d’une mesure qui fait  frémir l’ensemble de la filière avicole ivoirienne. Si on en croit, une source ayant participé à ces sessions traditionnelles préparatoires des Conseils des ministres que préside le chef de l’Etat, une communication du ministre des ressources animales et halieutiques, -cosignée avec les ministres du commerce et de l’économie et des finances-, a requis de ramener de 1 000 FCFA/Kg actuellement à 400 F CFA/Kg, soit une baisse de 60%, le montant du prélèvement compensatoire institué par la loi des finances 2005 et prorogée jusqu’en 2020 sur les importations hors Cedeao, de volaille morte de basse-cour et leurs abats comestibles frais, réfrigérés ou congelés à partir de 2005 pour protéger les producteurs nationaux et régionaux. Cette perspective n’en fini pas de troubler fortement l’Interprofession avicole ivoirienne (Ipravi).

« Cette mesure est annonciatrice d’un cauchemar pour nous » fulmine Traoré Djakaridja, un producteur. Il en veut pour preuve qu’avant que le gouvernement ne relève en 2005 le montant de « cette taxe», le marché nationale était dominé par « les importations d’Occident très bon marché, -qui entre 2002 et 2005 atteignaient des volumes inédits de 15 000 tonnes par an-, plombant complètement  nos efforts pour développer une vraie capacité nationale ». Au directoire de l’Ipravi, on dit « ne rien comprendre à cette option du gouvernement de rouvrir les vannes de l’importation ». Et pour cause, la filière avicole ivoirienne est la seule filière de production animale du pays à avoir atteint une relative autosuffisance. Selon la direction de la planification et des programmes (DPP) du ministère des ressources animales et halieutiques, « la production nationale de volaille couvre plus de 96% de la consommation nationale depuis 2009 ».

La viande de volaille, bien de luxe ?

Au cabinet du ministre ivoirien des ressources animales et halieutiques, on préfère « relativiser ces statistiques ». « La réalité du terrain, montre que la viande volaille est devenue un bien de luxe et que l’industrie nationale, au sens large, n’est pas capable de satisfaire avec ses 26 000 tonnes de production annuelle, la demande nationale qui est aujourd’hui de 40 000 tonnes » y argumente-t-on. Justifiant que « l’importation est plus que nécessaire pour combler le gap et satisfaire le souci de sécurité alimentaire du gouvernement ». « Réalité de terrain pour réalité de terrain, le poulet braisé se vend et se consomme à tous les coins de rue en Côte d’Ivoire. C’est même devenu une nourriture si populaire que la renommé du poulet braisé de Côte d’Ivoire précède le pays à l’extérieur. Serait-ce cela qui en fait un produit qu’on dit de luxe ? » s’interroge avec un brin de sarcasme Dédougou Karim, producteur de poids dans la zone de Bingerville. S’il est vrai que la Côte d’Ivoire continue de dépendre des importations pour plus de 50% de ses besoins en viandes et abats, le secteur avicole moderne est la plus importante source d’approvisionnement du pays en protéines animales. Et les productions avicoles y constituent, selon la FAO, « un maillon essentiel du système de production animale ».

L’aviculture est exercée par plus de 1 500 éleveurs exploitants individuels que complète plus d’une douzaine de sociétés agro-industrielles. Le secteur offre, en Côte d’Ivoire, plus de 30 000 emplois directs et indirects et constitue un débouché important pour les produits agricoles, les sous produits agroindustriels et de la pêche dont il consomme en moyenne, 200 000 tonnes (dont 100 000 tonnes pour le seul maïs) par an. Comme le reconnaît le ministre ivoirien des ressources animales et halieutiques, Kobenan Kouassi Adjoumani, lui-même, « l’aviculture ivoirienne est devenue un secteur économique avec une valeur ajoutée de près de 50 milliards de F CFA ».  Pour autant, il n’appréhende pas son développement sans les importations massives de viandes de volailles d’origine extra-africaine.

« En plus de n’induire aucune valeur ajoutée, cette politique fait peser de sérieux périls sur la survie et la vitalité de la filière » s’insurge un conseiller du premier ministre Soro Guillaume. Pour autant elle semble être la ligne d’action du ministre, qui aurait donc réussi à la faire endosser par le Conseil de gouvernement. Titulaire du même fauteuil ministériel, entre 2002 et 2005, ce dernier avait déjà appliqué sans concession cette politique avec pour résultat  en 2004 « une chute de plus de 30% de la production nationale à 7 500 tonnes et l’accroissement constant des importations  qui plafonnaient à 15 000 tonnes ».  Alors que la ligne directrice de l’action gouvernementale est l’élévation de la Côte d’Ivoire au rang d’économie émergente en 2020, cette perspective tend à brouiller quelque peu la lisibilité de l’action gouvernementale dans le domaine de l’aviculture. Nourrissant l’inquiétude dont est prise la filière avicole ivoirienne qui regarde du côté du Président Ouattara, espérant de lui, un signe beaucoup plus clair.
                                                                                                                                                                                                                                                                                 Louis S. Amédé


Tableau récapitulatif  production-importation-consommation de viandes en 2009
Espèces
Production nationale
(en TEC : Tonnes Equivalent Carcasse)
Importations
(en Tonnes)
Couverture par espèces
(en pourcentage)
Bovins
31 148
52 459
37%
Petits ruminants
12 836
10 271
56%
Porc
8 316
23 786
26%
Volailles
26 237
599
98%

TOTAL

78 536

87 115

Source : Direction de la Planification & des Programmes (DPP)- MRAH